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ISSEA
2014
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Ce texte est tiré du livre de Joël de Rosnay intitulé : Surfer la vie. Comment sur-vivre dans la société fluide, et paru aux éditions LLL, Les liens qui libèrent, en Mai 2012. Il doit être résumé en 250 mots plus ou moins 10%. Il sera tenu compte de l’orthographe, de la ponctuation et de la présentation de votre copie.

Il nous faut donc promouvoir ce que j’appelle la « société fluide ». Une société qui se fonde sur des rapports de flux et pas seulement sur des rapports de force. L’avènement de la société fluide permettra de traiter les grands problèmes actuels, qu’ils soient liés à l’énergie, à la santé, à l’éducation ou à l’environnement. Trop souvent considérés sous l’angle de décisions centralisées et pyramidales, les grands enjeux de société sont soumis à des jeux de pouvoir personnel ou à des groupes de pression qui nous transforment en usagers passifs. Ainsi en est-il du nucléaire, symbole de la centralisation, de l’industrie pétrolière, de l’influence de quelques géants de l’industrie pharmaceutique ou de la mainmise de l’agroalimentaire sur nos vies quotidiennes.

Dans le même ordre d’idées nous avons besoin d’une réelle démocratie énergétique responsabilisante. Forts de notre conquête de l’automobilité avec l’automobile, puis de l’infomobilité avec Internet et le Smartphone, il nous reste à nous libérer de la tutelle énergétique en créant une écomobilité qui nous transformerait en producteurs – consommateurs à la fois autonomes et solidaires.

Cette nouvelle approche permettrait de passer d’un système de rapports de force,de concurrence et de compétition acharnée à un système de rapports de flux et d’échanges solidaires mettant en œuvre de nouvelles valeurs de nouvelles actions et de nouvelles responsabilités par exemple de sortir des rapports de force exercés par l’industrie nucléaire et pétrolière sur les usagers pour s’ouvrir à des rapports de flux représentés par une électricité autoproduite de manière décentralisée à partir d’énergies renouvelables et librement échangée entre utilisateurs. Pour y parvenir, il est nécessaire de se référer à des modèles autres que les seuls modèles économiques ou politiques.

En un certain sens, le surf représente la transposition dynamique de la vie elle-même : un modèle pour affronter la complexité du monde. Le surfeur chevauche un élément improbable, la vague qui va mourir sur le rivage, et en tire un plaisir éphémère. Le surf est bien plus qu’un sport, c’est un style de vie, un mode de fonctionnement en société. C’est aussi une expression passée dans le langage courant. On parle de surfer sur les sondages, sur Internet, dans l’esprit de l’opinion publique comme s’il s’agissait d’une grande vague puissante et déterminée. Cette métaphore (1) de plus en plus répandue symbolise l’entrée dans l’ère de la fluidité, après des siècles de rapports de force. Dans le cadre de la nouvelle société du numérique, de la fluidité des échanges et des rapports sociaux, nous commençons enfin à nous construire les uns par rapport aux autres.

Effectivement, dans un monde reconfigurable et instable, rien n’est extrapolable comme par le passé. Des « effets pervers » peuvent tout remettre en cause. Que signifie « se former » à une époque où les connaissances acquises sont sans cesse bouleversées ? Comment exercer son « métier » sans être à la traîne d’un monde en perpétuel mouvement ? Associée à la crise mondiale, cette sorte de fuite en avant nourrit le sentiment d’insécurité des jeunes générations. Pour compenser cette impression que leur avenir se construit sur des sables mouvants, elles veulent profiter maintenant de tout ce qu’elles tiennent dans leurs mains. Elles veulent vivre de la gratification instantanée plutôt que d’attendre une récompense ou une reconnaissance tardive.

La transposition de ces valeurs dans la conduite de sa vie s’accorde aux comportements des surfeurs. Surfer sa vie, c’est profiter de l’instant, être à l’écoute de son environnement, de ses réseaux, évaluer en temps réel. les résultats de son action pour réussir à affronter les nouveaux défis de la société fluide. Le but du surfeur est non seulement de conserver son équilibre tout en surveillant ceux qui sont sur la même vague que lui et qui risqueraient de le déstabiliser, mais aussi et surtout de prendre du plaisir, de faire reconnaître ses compétences, d’être félicité par les surfeurs qui remontent pour prendre la vague suivante, comme dans une quête de renaissance perpétuelle.

Comme la vie qui s’éteint, la vague va mourir sur la plage mais il est possible de renaître de ses cendres dans une autre vie, et de repartir à la recherche de nouveaux enjeux et de nouveaux plaisirs avec la recherche de vagues suivantes.

Surfer la vie est à la fois un jeu, un défi, et une compétition et parfois une douleur. L’échelle des valeurs se déplace de la concurrence - qui vise à s’imposer et à réussir, - vers le partage, la solidarité, l’échange, le « gagnant-gagnant » qui autorisent davantage de souplesse dans la conduite de sa vie.

La métaphore du surf peut nous aider à construire des modèles de vie et de société plus vivables, plus solidaires. Dans un autre contexte, la génération du numérique, avec sa capacité de travail en réseau et son habileté à surfer sur la complexité, peut nous aider à explorer de nouvelles voies pour concevoir ensemble notre avenir. Au-delà des égoïsmes traditionnels à toute volonté de pouvoir, est-il possible que soit en train de naître une « société fluide » plus altruiste, plus empathique, plus soucieuse de l’intérêt commun que de l’intérêt particulier de quelques groupes ?

Surfer la vie dans une société fluide : risque et innovation.

Une société qui ne prend pas de risques ne peut évoluer. Sans développement, sans croissance, sans partage, elle reste à l’état statique, se sclérose et menace de disparaitre. Prendre des risques, c’est accroître ses chances de gagner. C’est vrai d’une personne comme d’une entreprise. Pour cela, il faut affronter la peur : celle de l’échec, de la faillite, ou, pour un sportif celle de la chute et de la défaite. C’est la prise de risques matérialisée, par les nouveaux projets de recherche en laboratoire qui permet la découverte, l’invention et en définitive, l’innovation bénéfique pour la société toute entière.

Or, découverte, invention et innovation vont à l’encontre de la stabilité des idées reçues et des situations acquises. L’innovation dérange. Elle crée des rejets, tout comme un système immunitaire qui se défend avec ses anticorps et ses globules blancs contre les antigènes étrangers des microbes qui cherchent à envahir les cellules. Dans une entreprise, quand une équipe propose des idées nouvelles, on entend très souvent des réactions comme : « on n’a pas le budget », « ça se fait déjà en Chine », « la règlementation internationale ne le permettra pas », etc. Les Américains appellent ce syndrome le NIH, pour Not Invente Here : cela n’a pas été inventé ici, donc cela ne peut qu’être meilleur que ce que feraient nos équipes de recherche.

D’où la paralysie des innovations dans de grandes structures trop rigides et trop centralisées. Lorsque je travaillais à l’institut Pasteur, le professeur Jacques Monod me disait souvent : « Quand vous lancez une nouvelle idée, vous avez trois catégories de personnes contre vous : ceux qui font la même chose, ceux qui font le contraire et ceux qui ne font rien, c’est-à-dire tout le monde ! » C’est pourquoi il faut se battre pour innover, et pour cela prendre des risques.

Les personnes responsables de la naissance des innovations dans les entreprises publiques ou privées me semblent appartenir – d’après l’expérience que j’ai pu acquérir dans ces structures - à deux catégories : les « oui-mais » et les « oui-et ». Pour les premiers, la proposition que l’on vient de faire est toujours impossible à réaliser : « D’accord, c’est une assez bonne idée, mais on n’aura pas le temps de la mettre en œuvre, mais les concurrents y travaillent déjà, mais le planning est trop chargé, etc. Pour les seconds, il y a toujours une autre idée derrière la première : « Oui, c’est une bonne idée, et on pourrait aussi en profiter pour lancer un nouveau journal » ; « Excellente proposition, et on pourrait ajouter la coopération avec l’entreprise X » etc. L’ouverture d’esprit face à l’innovation est essentielle pour créer des synergies, des complémentarités, voire des amplifications permettant d’aller au-delà de l’idée originale.

Pour surfer la vie de manière créative et gratifiante, il est nécessaire de connaître et de mettre en œuvre certaines règles fondamentales qui permettent d’assurer, comme pour le surf lui-même, la sécurité, l’efficacité, et le plaisir dans la fluidité. Dans la vie individuelle et collective, des règles ayant fait leurs preuves au cours des siècles, voire des millénaires, ont permis aux hommes de construire les sociétés afin d’évoluer, de travailler ensemble et de coopérer, dans le respect de la dignité humaine, de la liberté, de la démocratie et de l’égalité.

Des règles trop souvent enfreintes, tout au long de l’histoire, par des régimes dictatoriaux totalitaires ou intégristes qui ont laissé en place, voire favorisé la répression des libertés humaines, l’esclavagisme, la torture, la criminalisation de l’économie, les guerres et les profondes inégalités sociales. Néanmoins, de grands principes de vie personnelle et collective existent et sont respectés dans le monde.

J’ai tenté de sélectionner ces principes d’humanité tels qu’ils ont été décrits par les grands philosophes et mis en pratique par les cinq grandes religions. Il n’est pas interdit de penser que leur application par de hauts dirigeants politiques et industriels ouvriraient des voies nouvelles pour affronter et surmonter la crise qui frappe le monde.

Voici mes sept règles et concepts pour surfer harmonieusement et intelligemment la vie : le respect de la diversité ; le respect de l’autre ; l’altruisme ; l’empathie ; la responsabilité individuelle et collective ; la fraternité ; la spiritualité laïque.

Le respect de l’autre, base de la solidarité pour construire l’avenir

Dans une société fluide fondée sur le partage, l’échange et les rapports de flux, le respect de l’autre constitue une donnée essentielle à la survie et au développement. Le respect de l’autre a toujours été considéré par les grandes religions et les grandes philosophies laïques comme une priorité majeure. Pour surfer la vie en harmonie avec les autres, chaque personne doit chercher à pratiquer une telle forme constructive de relation plutôt que de maintenir des rapports de force et de pouvoir conduisant à donner la priorité aux biens matériels, à la possession immédiate, donc à l’égoïsme, au détriment de l’ouverture aux autres.

La question du respect de l’autre et du vivre-ensemble est une constante chez tous les grands penseurs de la construction des sociétés humaines, de Gandhi à Martin Luther King. Selon ce dernier, « il faut apprendre à nous aimer comme des frères ou nous préparer à périr comme des imbéciles ». Pour lui, la question du « bien- vivre » plutôt que du « mal-être » est une question collective et pas seulement personnelle, car elle passe par le respect fondamental de l’autre et sa pratique.

La responsabilité individuelle et collective, clé de la réciprocité dans les liens sociaux

Une autre grande valeur nécessaire pour surfer sa vie, et surtout pour être capable d’agir collectivement, est la responsabilité : la prise de conscience de sa capacité à comprendre l’évolution des phénomènes d’un monde complexe, à gérer cette complexité et à agir sur elle pour en modifier l’évolution. Or nous semblons aujourd’hui dépassés par l’évolution scientifique et technologique, en constante accélération. Nous en perdons le contrôle, la maîtrise de la maîtrise. Cette incapacité à gérer la complexité et l’accélération fait naître des menaces qui requièrent non seulement de nouvelles responsabilités, mais plus que tout une nouvelle éthique (2).

Une bioéthique, bien sûr, compte tenu des progrès rapides des sciences du vivant, mais aussi ce que j’appelle une info -éthique et une éco-éthique responsable, pour construire une civilisation du numérique respectueuse des droits et des libertés de chacun, ainsi qu’un environnement assurant la biodiversité et la durabilité des écosystèmes.

C’est justement ce que prône le philosophe allemand Hans Jonas dans son livre Le principe responsabilité publié en 1979. Il insiste sur l’urgence de nous doter d’une « éthique pour la civilisation technologique » fondée sur ce qu’il appelle le « principe de responsabilité ». Il part du postulat que les promesses de progrès des techniques modernes se sont transformées en menaces de catastrophes : « La science confère à l’homme des forces jamais encore connues, l’économie pousse toujours en avant dans une impulsion effrénée. » Les politiques de croissance à l’échelle mondiale conduisent inévitablement à des dérèglements de l’équilibre de la planète. On sait maintenant à quel point l’impact de l’homme met en danger nos sociétés et leur environnement. De nouvelles disciplines scientifiques apparues au cours des trente dernières années, telles que le génie génétique, le clonage ou la biologie de synthèse, risquent de mener à des débordements et à des dérives préjudiciables à l’intégrité même du vivant.

L’approche éthique fondée sur le principe de responsabilité se traduit dans le vivant et dans l’environnement par le fait de « prendre soin » de ce qui compte pour l’avenir physique, énergétique, biologique, environnemental de l’humanité. Ce que l’on pourrait appeler les « arts du soin »ne concerne pas seulement le domaine médical, mais aussi les accompagnements humains de tout type : éducation, prévention, éco-participation à la protection de l’environnement, art du jardin, du paysage, pratiques esthétiques, soutien juridique, police de proximité, psychothérapie de groupe, services à la personne... Ce soin implique un investissement intellectuel, financier et en termes de temps, d’où l’importance d’avoir précédemment investi un « capital-temps »

LA VOIE PERSONNELLE VERS LE BONHEUR.

Au terme de ces réflexions, il est nécessaire de retenir quelques clés essentielles pour parvenir à surfer harmonieusement vers son destin. Tout d’abord, il faut souligner l’importance de la création individuelle et collective. Les grands enjeux actuels ne tournent plus seulement autour de la production mais de l’échange et de la création. C’est la création qui procure le sentiment d’avoir investi du temps qui pourra servir aux autres. C’est cette création qui transforme la mort en un passage, puisque ce que l’on a créé, partagé, diffusé, mémorisé, se retrouvera chez ceux qui poursuivront la tâche entreprise en se référant à celui ou celle qui l’a initiée. L’acte de création est lié au rayonnement. Donner, partager, transmettre, sont des actes essentiels, non seulement dans l’éducation de ses enfants, la formation de ses collaborateurs, les messages que l’on diffuse à la société, mais sur le plan psychologique et moral, en lien avec les grands principes évoqués – l’altruisme, la solidarité, et l’empathie.

1) Métaphore : exemple
(2) Ethique : respect de règles morales